Walk the line ou comment Mangold signe un biopic juste et efficace

Because you’re mine, I walk the line

Le biopic – film biographique – a montré au cours de ces dernières années, qu’il avait une part importante dans le milieu cinématographique. Notamment le biopic musical dans lequel on met en valeur la vie d’une star de la chanson : de Ray Charles, à Amadeus Mozart en passant par Edith Piaf, ils ont tous eu le droit à leur film. Mais qu’est-ce qui donne tant de poids à ce genre cinématographique ?

Alors qu’en 2019, on remettait le prix du meilleur acteur à Rami Malek pour son interprétation de Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody, a suivi Rocketman, un biopic beaucoup plus libre sur la vie d’Elton John. Tous les deux ont remporté un franc succès auprès du public et il semblerait que d’autres projets soient à venir.

James Mangold propose avec Walk the line une approche recherchée et travaillée de « l’homme en noir », à savoir Johnny Cash, interprété par Joaquin Phoenix dont le talent n’est plus à prouver. Alors que sur le papier on pourrait s’attendre à un film basique, il a été fait de manière à ne jamais tomber dans la simplicité du genre. Tout commence par le titre de l’œuvre : Walk the line.

Souvent, lorsqu’un réalisateur s’attaque à un biopic, le titre de l’œuvre va renvoyer d’une manière très nette au protagoniste, l’artiste dont on va nous parler. Cela peut être fait en se contentant de mentionner son prénom RAY ou en utilisant un surnom/terme qui renvoie à l’artiste La môme. Mangold décide, quant à lui, de s’arrêter sur le titre d’une chanson de Johnny Cash. Ce choix n’est pas anodin. La vie de Johnny Cash ne peut pas s’apparenter à sa seule existence. Elle a toujours été étroitement liée à celle d’une autre personne : June Carter (jouée par l’excellente Reese Witherspoon).

Pour rappeler un peu l’histoire : Johnny Cash, de son véritable nom JR Cash, grandit dans une ferme de l’Arkansas avec un père strict et glacial. Suite à un accident, il perd très jeune son frère ainé, travailleur et sur qui son père reposait tous ces espoirs. Cet accident le hantera toute sa vie, se disant que ce fut de sa faute. Il grandit en écoutant de la musique country, notamment celle de la famille Carter. C’est à l’armée qu’il va écrire sa toute première chanson qui, une fois rentré au pays, il tâchera de la faire produire par une maison de disque. A partir de ce moment, sa carrière s’envole et sa vie prend une toute nouvelle direction. Notamment, suite à sa rencontre avec June dont il tombe éperdument amoureux, et à son propre penchant à l’autodestruction.

June devient alors indissociable à la vie de Cash. Devenant tout d’abord son ami et un support important dans sa vie, elle va devenir aussi celle qui le sauvera et le ramènera sur le droit chemin : Walk the line. C’est en cela que le titre du film prend tout son sens et sort du « je » constant que l’on retrouve la plupart du temps dans les biopics. Ici, nous sommes plus dans un duo, une question du « nous ». Nous versus le monde.

Il est d’ailleurs intéressant de relever la présence des deux acteurs sur l’affiche du film. La présence égale de Phoenix et Witherspoon prouve une nouvelle fois l’envie de parler d’un homme et de cette femme de « l’ombre » qui lui a permis d’aller de l’avant. Les deux acteurs prêtent tout autant leur physique que leur voix dans la reconstitution de ces personnages, comme une manière de leur redonner une seconde vie, vraie et franche. Ce duo d’acteurs marche tellement bien à l’écran que l’on y croit jusqu’au bout. Lorsqu’arrive la demande en mariage finale, notre souffle de spectateur se débloque comme celui des personnages, non content de revoir de la lumière derrière toute cette obscurité. Il est beau de rappeler, par la même occasion, que Johnny Cash et June Carter vécurent heureux ensemble jusqu’à ce que la mort de June en 2003 les sépare. Johnny suivra quelques mois après.

Mais Mangold ne s’arrête pas là-dessus. Le film va au-delà de la romance pour bâtir une histoire romanesque à part entière. Pour cela, il s’appuie sur une chronologie de vie afin de marquer les grandes étapes de la vie de l’artiste. Ce que fait bon nombre de biopic vous me direz. Mais cela a une logique qui est coupée en deux temps, deux périodes bouclant la boucle du propos du film :

Le film ouvre sur une séquence qui se terminera à la fin du film sous forme de miroir. Dans cette séquence, Cash se trouve dans un pénitencier dans lequel il s’apprête à jouer l’un des concerts les plus mémorables de sa carrière. Le pénitencier est filmé avec de plans larges mettant en valeur les cours vides jusqu’à la salle où sont réunis les prisonniers, attendant le début du concert. On y voit alors Johnny Cash dans « les coulisses » qui se trouve être une salle-atelier, fixant, pensif, la scie circulaire face à lui. Cette scie est un rappel à son enfance et va, par la même occasion, amener le film vers une toute nouvelle séquence : celle de son enfance. Ce flash-back familial va venir poser les fondements de la création d’un personnage romantique : une enfance passée dans la pauvreté et le travail acharné, la douleur de la perte de son frère dont il était très proche, le traumatisme de l’enfance, la douceur de la mère face à la violence du père, l’incompréhension de cet homme face à sa propre existence, va venir installer cette solitude autour de lui. Tout ceci instaure le « je » de Cash qui amènera l’amoureux transi et la tentation autodestructrice de l’artiste.

La seconde partie du film reprend donc l’idée de la rédemption et la question de la résurrection. Cela se fait, comme dit précédemment, par l’aide ultime de June. « Tu es ma meilleure amie » voilà ce qu’ils sont avant d’être amants et c’est sur cela que va se baser toute la force de leur relation. Elle a été et est toujours là dans les moments les plus difficiles et même si elle l’a toujours repoussé – une première fois parce qu’il était marié et père de famille, la deuxième fois car il était drogué et dépendant – elle sera là pour l’aider à remonter la pente. Elle, mais pas seulement, la famille Carter entière. Il faut se rappeler alors, qu’il a grandi en écoutant avec son frère les chansons de cette famille. Le tout est très symbolique, comme une manière de dire qu’ils étaient fait l’un pour l’autre.

La séquence finale reprenant la séquence du début s’ouvre alors sur la présence derrière Johnny Cash regardant la scie, de June comme l’image de celle qui l’a sauvé lui et l’empêchera de sombrer à nouveau. Sa présence était présente hors-champ pour appuyer l’image de la muse. Il était seul dans son mal-être, il est maintenant deux dans sa création. Alors si ce n’est pas déjà fait, je vous conseille fortement d’aller découvrir ce film.

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